J'ai plusieurs fois séjourné à Amboise, sans jamais avoir entendu parler de ce "château Gaillard", longtemps oublié. Le parc de 15 hectares qui l'entoure était envahi par la végétation, quand l'ensemble a été sorti de l'oubli par Marc Lelandais, son nouveau propriétaire, qui a entrepris une vaste restauration à partir de 2011 Une entreprise considérable qui a fait travailler 50 artisans et 300 ouvriers! Il n' a été ouvert au public qu'en 2014.
UNE RESIDENCE ROYALE A L'ITALIENNE.
Ce lieu longtemps méconnu du grand public était pourtant en son temps un domaine royal, d'un grand intérêt historique. Le logis royal a été construit en 1496 à la demande du jeune roi Charles VIII (23 ans), à son retour de la première campagne d'Italie. Admiratif de la villa Poggio di Reale , à Naples, propriété de Ferdinand d'Aragon, il ramène d'Italie 22 artistes parmi lesquels le jardinier Dom Pacello da Mercogliano, avec l'idée de se faire aménager une résidence et des jardins comparables à proximité de son château d'Amboise. Une image du "paradis terrestre" selon lui.
Le site choisi est un vallon proche du clos Lucé, une zone d'anciens marais traversés par la rivière L'Amasse, également alimentée en eau par une source. Il appartenait au sieur Gaillard, exproprié par le Roi pour cause d'impôts non payés! Il est situé au pied de "l'éperon des Chateliers ", qui supporte le domaine du château d'Amboise. La demeure de plaisance voulue par Charles VIII est construite sur une terrasse et est adossée à la falaise. Elle domine le parc de 15 hectares, qui bénéficie d'un micro climat quasi méditerranéen : il est en effet exposé au sud, et protégé des vents du nord. Ceci va favoriser le projet de créer là un jardin à l'italienne, bientôt appelé "les jardins du Roy". Ce fut la première transposition française d'un jardin à l'italienne.
Le logis royal, adossé à la falaise haute de 20m, vu de la perspective des grands parterres créés par Dom Pacello. Au premier plan, la "fontaine de jouvence"; on aperçoit, sous le château, l'orangerie.
Le château Gaillard fut la résidence de Charles VIII et d'Anne de Bretagne, puis de Louis XII avant que celui ci ne la cède à Dom Pacello. De nombreux personnages importants ou célèbres y séjournèrent par la suite, dont Charles de Guise qui fit modifier la façade en 1559, ou plus récemment Louise de Vilmorin et André Malraux.
LES JARDINS:
* Les carrés parcelliens : lorsqu'on accède au domaine par l'entrée sud ouest, on découvre d'abord les jardins des "carrés pacelliens" reconstitués, au nombre de 8, bordés par du houx; ils sont dérivés des carrés médiévaux et constituent une transition entre Moyen Age et Renaissance. Ils sont consacrés à des fleurs, des fruits ou des légumes, ou encore à de la vigne ou à des simples (plantes aromatiques et médicinales). Des minéraux y sont disposés (cailloux de Provence, ou de schiste rouge, ardoises de différentes couleurs). La couleur prime ici, on cherche à ce qu'elle soit présente toute l'année. Non loin de là, des serres d'agrumes abritent les 60 variétés d'agrumes recensées. On n'y utilise pas d'engrais chimiques. Dom Pacello est l'initiateur de la culture en serres d'agrumes dans le nord de la France.
Le "parquet de Vénus".
Le végétal associé au minéral: carré de vignes et cailloux blancs de Provence.
Dans ce carré, le végétal est associé à l'ardoise noire.(Photo: Guy Burgade).
*Les grands parterres , dans la perspective du château, sont, par les soins de Dom Pacello, les premiers à avoir été transposés d'Italie en France , et sont à l'origine des "jardins à la française". La perspective intègre un "miroir d'eau" apporté par l'Amasse. L'ensemble a été redessiné en 2012. Au nombre de 8, les parterres étaient entourés autrefois d'un jardin clos par un mur de 3 m 60 de haut dont il ne subsiste que la porte d'entrée, dite "arche aux dauphins", qui date de 1500.On peut y distinguer encore les armes du château surmontés de la couronne de France et flanquées de deux angelots, avec les chiffres d'Anne de Bretagne et de Louis XII.
Les grands parterres vus de l'orangerie. Des pots contenant les variétés d'agrumes les plus rares sont disposés de chaque côté de l'escalier.
L'arche aux dauphins (1500).
Un charmant angelot fait face à l'arche.
* L'orangerie royale, située sous le terrasse où est construit le château est la 1e qui ait été en France: c'est Dom Pacello qui le premier a acclimaté des orangers, citronniers, pêchers au nord de la France, et a pour la première fois utilisé les caisses d'empotage pour la culture et le déplacement des arbres. Il a également créé la reine claude (ainsi nommée en l'honneur de Claude de France, épouse de François 1er), et inventé la culture des melons et tomates sur parcelles séparées par des murs coupe vent.
*Le parc comporte de nombreux arbres rares pluricentenaires. L'entrée sud est du domaine ouvre sur une superbe allée de 180 platanes, longue de 375 m, créée en 1885 par l'ingénieur Jean-Théodore Coupier, alors propriétaire des lieux.
L'allée de platanes.
LE CHATEAU:
*SON ARCHITECTURE.
Son architecture constitue une synthèse entre la 1e Renaissance française (toits pentus, lucarnes, alignement des éléments, meneaux et tour en vis) et l'esprit italien. Les fenêtres à doubles meneaux évoquent les "palazetto" italiens, et les sculptures de façade sont typiquement italiennes. A noter la présence d'une corniche à quadruple frise exceptionnelle : elle est composée de tresses, coquilles, rosettes, fleurons ...
Détail de la frise (cliquer sur la photo pour l'agrandir).
*VISITE INTERIEURE:
Restauré, remeublé et redécoré, l'intérieur du château est désormais une source supplémentaire d'intérêt pour le visiteur.
Nous sommes ici dans le grand salon Charles VIII, typique de la 1ere Renaissance, ou salle du banquet, encore appelé salon de la Licorne en raison de l'ornement, symbole de vertu cher à Anne de Bretagne, épouse de Charles VIII, qui surmonte la porte menant à la chapelle.
On y trouve aussi une belle cheminée ornée de rinceaux italiens.
Des tapisseries décorent les murs: celle ci représente Diane et ses nymphes.
Petite touche italienne avec cet élément sculpté dans le style d'Andrea della Robbia.
On découvre quelques objets intéressants comme ce coffre de mariage offert à François 1er : il est sculpté à l'avant des portraits de François 1er et Claude de France se faisant face, de part et d'autre du blason de France orné de fleurs de lys.
La salle Louis XII est ornée d'une galerie de portraits de personnages illustres du XVIe siècle.
Il existe dans ce château 8000 très beaux vitraux réalisés avec la technique du XVIe siècle, exécutés à partir de dessins ou de miniatures de l'époque. Ici le couple royal (Louis XII et Anne de Bretagne) est représenté lors d'un festin.
Nous passons dans la belle salle à manger du cardinal de Guise, où se tinrent en 1560 les conciliabules destinés à déjouer la conjuration d'Amboise ( un projet d'enlèvement, mené par le prince de Condé, du jeune roi François II,15 ans, fils de la régente Catherine de Médicis, pour le soustraire à l'influence des Guise) qui se soldat par le massacre de nombreux protestants. 7 d'entre eux furent pendus plusieurs jours aux remparts du château d'Amboise.
Cette salle comporte une superbe cheminée Renaissance (vers 1515) ornée de cornes d'abondance, d'angelots, de femmes coiffées de grosses nattes, de griffons tirant la langue… Les chapiteaux de côté sont décorés par de petits rapaces.
Nous voici dans une des 4 cuisines troglodytes: la cheminée est en pierre de taille et son conduit débouche 20 m plus haut sur la falaise. On tâchait de tenir les cuisines à l'écart du château par crainte du feu.
La cour et la tour à vis du XVe siècle, de 3m de large, datent de l'époque du château médiéval du sieur Gaillard.
L'autre côté de la cour.
On pouvait encore découvrir à l'est du château une terrasse du XVIIe reposant sur la grotte qui abrite la chapelle : on y découvre une boulangerie médiévale au four à pain intact. Une autre grotte servait de cuisine médiévale.
Le domaine se voulait une représentation du paradis: il était parcouru par 7 sentiers figurant ceux supposés du paradis (cliquer sur le plan pour l'agrandir).
Une intéressante découverte que ce château Gaillard d'Amboise.
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