AU PAYS DE GARGANTUA.
17 juin 2017.
Il faut la trouver au fin fond de la Touraine, dans la région de Chinon, à Seuilly très exactement. Le voyageur, à l'approche du site, voit se dessiner un paysage agricole dominé par un beau château.
Vus de La Devinière, les environs de Seuilly (dont on voit le clocher de l'église à droite), sont dominés par les belles tourelles du château du Coudray-Montpensier (XVe siècle, avec des ajouts ultérieurs), qui fut la demeure d'un autre écrivain, Maeterlinck, de 1916 à1930 . Plus à droite, se trouve l'abbaye de Seuilly. Ces lieux sont mentionnés notamment dans le Gargantua de Rabelais: l'écrivain situe en effet dans le pays de son enfance des épisodes de son roman, notamment la guerre entre Picrochole, seigneur de Lerné, et Grandgousier, père de Gargantua et seigneur de La Devinière ou de Seuilly...
Du parking, où l'on gare sa voiture à l'ombre d'un groupe d'arbres, on aperçoit d'abord, au delà d'un beau champ de céréales, un ensemble de bâtisses qui font penser à une ferme.
On emprunte alors, pour parvenir au site, un pittoresque chemin pentu et ombragé, sorte de tunnel de verdure. Que va-ton trouver au bout?
Sur le côté, belles ouvertures sur le champ de céréales éclairé par le soleil (sans doute de l'orge).
Beaucoup d'oiseaux vivent en paix dans cette belle campagne. Tiens: un bruant zizi mâle, vraisemblablement, d'après les deux bandes jaunes qui cernent son trait sourcillier noir, et sa gorge noire! Ainsi nommé à cause du son qu'il émet, un zitt fin et perçant!
Première vision de La Devinière: ce qui surprend, c'est l'aspect insolite créé par la façade trouée. On aura vite l'explication: à l'avant du logis d'habitation du fond ( haut toit pointu recouverte d'ardoises), en pierres de tuffeau, caractéristiques du XVe siècle, a été ajouté au XVIIe un pigeonnier plutôt surprenant, car les alvéoles (ou boulins) destinées aux couples de pigeons sont à l'extérieur, sur les trois façades de cette construction.
La Devinière était une "maison des champs" appartenant à Antoine Rabelais, père de l'écrivain, avocat au siège royal de Chinon, sénéchal de Lerné, village proche, et important propriétaire de la région. La famille avait sa résidence principale à Chinon. On n'est pas sûr que Rabelais soit né dans cette maison, mais il est vraisemblable qu'il y a été très présent dans son enfance, car il connaissait intimement Seuilly et ses alentours, ce qu'atteste son ouvrage Gargantua : il y a placé les guerres picrocholines, et cite avec précision villages et lieux divers du coin.
Outre le logis et le pigeonnier, le site comporte plusieurs corps de bâtiments formant dépendances.
On va d'abord visiter le logis.
Vue latérale du logis.
Au sous sol , une seule grande salle servait aussi de cuisine. Par un escalier extérieur (visible ci dessus), on accédait à l'étage qui comportait deux pièces inégales.
On emprunte d'abord l'escalier pour gagner l'étage :
On y découvre en particulier une chambre de style Renaissance, peut-être la chambre natale de Rabelais (à moins qu'il soit né dans les prés proches de la Saulaie comme son héros). Aux murs, on peut observer plusieurs gravures inspirées par l'oeuvre de Rabelais, dont une de Gustave Doré.
Cette gravure du XVIIe s montre la chambre dite de Rabelais et l'aspect de la propriété à l'époque.
Retour au rez de chaussée .Photo: Guy Burgade.
La visite se poursuit dans la grande salle du bas, munie d'une vaste cheminée. Rabelais , dans Gargantua, y place la scène où Grandgousier vient se chauffer dans l'âtre.
Au mur, plusieurs dessins de Matisse qui avait multiplié les croquis du visage de l'écrivain tel qu'il l'imaginait.
La dédicace indique que Matisse les avait réalisés pour le "musée Rabelais", autre dénomination de La Devinière aujourd'hui.
On ne sait pas trop à quoi ressemblait Rabelais. Chaque portraitiste y va de son imagination, parfois influencée par l'œuvre. Ainsi cet anonyme du XVIIe en fait-il un moine rieur, l'œil moqueur et la lèvre lippue...
La vue sur les alentours de Seuilly depuis l'intérieur de la propriété. Au premier plan, des vignes replantées en 2004 comme autrefois, et dont on tire près de 4000 bouteilles par an. Autre hommage à l'écrivain, adepte de la Dive bouteille! La production vendue aux visiteurs du musée porte le nom de « Clos de La Devinière ».
Un panneau pédagogique situe face au panorama tous les lieux cités par Rabelais comme cadres des guerres picrocholines.
Devant ce paysage même où Rabelais fit évoluer ses héros, le guide lit alors aux visiteurs quelques extraits aussi savoureux que rocambolesques du Gargantua.
Le guide laisse alors les visiteurs compléter librement leur découverte des lieux.
La propriété est adossée à une ancienne carrière d'où était extrait le tuffeau destiné à construire les habitations, transformée ensuite en ferme troglodyte. Il y avait là des étables ou écuries souterraines qui abritaient des chèvres, des moutons, ou encore des ânes. D'autres parties servaient de caves à vin, on y trouvait des pressoirs, et aussi des fours à pain...
Eléments d'un ancien pressoir - Photo: Guy Burgade.
Autre vue du pigeonnier et du logis.
Des expositions temporaires sont organisées dans le pigeonnier: en juin 2017, l'exposition portait sur deux figures opposées du XVIe siècle, Rabelais et Nostradamus. Rabelais avait raillé férocement l'astrologie.
A droite du logis, la "maison du vigneron" présente encore divers documents et expositions. Elle est flanquée d'un agréable jardin..
Le charme des maisons anciennes.
Quelques œuvres contemporaines sont exposées dans le domaine.
Le visiteur, sous cette sorte de tonnelle, se pare, avec ravissement de toutes sortes de couleurs.
Ici encore une étrange créature métallique.
Dernier regard sur La Devinière.
La propriété n'appartiendra plus à la famille Rabelais à partir du XVII e siècle. Le domaine est classé monument historique en 1929, mais se dégrade peu à peu. Le département d'Indre et Loire l'achète en 1948 et en 1951 le musée Rabelais y est créé.
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UN PETIT SUPPLEMENT:
De La Devinière à l'abbaye de Seuilly:
On peut prolonger la visite en empruntant un charmant chemin ponctué de panneaux pédagogiques en relation avec l'œuvre ou les préoccupations de Rabelais (la botanique par exemple) qui part de La Devinière pour aboutir à l'ancienne abbaye de Seuilly dont il est question dans Gargantua.
Ce panneau par exemple recense les différents lieux cités dans Gargantua dans l'épisode des guerres picrocholines (cliquer sur l'image pour l'agrandir).
Ce chemin serait celui que Rabelais enfant prenait régulièrement pour aller étudier chez les moines de Seuilly.
A gauche, l'église de Seuilly, au fond le château du Coudray Montpensier, à droite l'ancien pigeonnier de l'abbaye de Seuilly.
Vue rapprochée.
Jolis coquelicots.
Vers la gauche, une vue dégagée sur le paysage tourangeau.
Arrivée en vue de l'abbaye.
L'ancien colombier a été entièrement rénové.
On distingue un groupe de bâtiments enclos d'un mur.
C'est à l'origine un simple prieuré créé en 1095, qui devient une abbaye bénédictine en 1100.
Rabelais y situe l'épisode où frère Jean des Entommeures résiste aux attaques des gens de Picrochole. L'abbaye fut partiellement détruite par un incendie au XVe, mais elle fut restaurée sur l'ordre de la princesse Jeanne, fille de Louis XI. Elle est encore florissante au XVII e s, mais commence à décliner bien avant la Révolution. Elle est abandonnée en 1737, il ne restait plus que 4 moines.
Le bâtiment principal sert aujourd'hui de "maison de pays"(produits régionaux etc).
L'église abbatiale a disparu, emportée par un ouragan en 1751, mais il reste quelques beaux bâtiments, dont la salle capitulaire et aussi une grange dimiaire.
Ce bâtiment du XVe siècle est devenu un gîte d'hébergement..
Le site comporte aussi un jardin médiéval.
PETIT TOPO SUR RABELAIS pour les oublieux:
Rabelais quitte son pays de Touraine vers 1510 pour accomplir son périple des connaissances devenant d’abord moine à Angers et en Poitou, puis étudiant la faculté de médecine de Montpellier. C’est à Lyon, alors qu'il est médecin à l'Hôtel-Dieu de la ville, qu’il écrit ses deux premiers romans Pantagruel (1532) et Gargantua (1534), censurés et condamnés par les théologiens de la Sorbonne. Il sait s’attacher les protections des grands du Royaume, parmi lesquels évêques et hauts dignitaires : Geoffroy d’Estissac, Jean du Bellay (cardinal de Paris), son frère Guillaume du Bellay (gouverneur du Piémont). D’ailleurs, il effectue de nombreux voyages en Italie sous la protection des du Bellay. Publiés de son vivant, Tiers Livre, Quart Livre prolongent les aventures de ses géants ; le Cinquième Livre paraît après sa mort qui survient en 1553 à Paris.
Rabelais est l’un des hommes les plus érudits de son siècle. Moine, grand savant, il pratique la botanique, l’astronomie, la médecine et fait éditer de nombreux textes scientifiques.(Musée RABELAIS).
Captivante balade au pays de Rabelais.
RépondreSupprimerMerci...
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